"Une information, dés lors qu'elle sort du cadre du secret, ne peut plus aujourd'hui être confisquée par quelques uns qui choisissent ou non de la diffuser en fonction de leurs intérêts et de leur stratégie.
Même si toute information nécessite vérification, chacun peut aujourd'hui la diffuser presque gratuitement et donner à cette diffusion une extension considérable ; mondiale parfois, comme le jour de l'assassinat du militant écologiste brésilien Chico Mendes ou celui de l'arrestation de trois syndicalistes russes qui s'opposaient à une attaque contre l'immeuble de la télévision moscovite."
"Si la prophétie millénariste nous présente les réseaux télématiques comme l'outil par excellence de la mondialisation néo-libérale, détruisant toute forme de collectif et de solidarité, anéantissant toute velléité de résistance, la réalité de ce que sont aujourd'hui ces réseaux contribue à infliger un démenti cinglant à ces discours fatalistes, unidimensionnels et étriqués."

Paris / 15-16-17 décembre 2000 Rencontre européenne des contre-cultures digitales

À Seattle, le 30 novembre 1999, alors que se réunissait l'OMC, la mobilisation globale d'une multitude de luttes et mouvements "locaux" et "spécifiques" des quatre coins de la planète réussissait à tenir en échec une des instances majeures du nouvel ordre mondial. Dans ce scénario inattendu, une fois de plus, la capacité des acteurs de la mobilisation à utiliser l'arme de la communication, et en particulier de l'Internet, a joué un rôle déterminant. Et les forces de police de Seattle ne s'y sont pas trompées, puisque, une fois la stupeur passée, c'est bien les locaux de l'Independant Media Center qu'elles sont venues encercler au petit matin, cherchant à priver la contestation de sa puissante arme de coordination et de coopération.
Autour des pratiques en réseau, et sur les réseaux, se sont constitués ces dernières années toute une série de sujets collectifs, acteurs de pratiques, d'initiatives, de confrontations qui marquent les territoires de la
communication d'une forte présence alternative. Qu'il s'agisse des expériences liées à des luttes ou des mouvements sociaux (sans papiers, chômeurs et précaires, centres sociaux occupés, etc.), des embryons de réseaux alternatifs (Nodo 50, Sindominio, ECN, Sherwood, Samizdat), des agrégations théoriques et culturelles autour d'espaces virtuels d'élaboration et de réflexion (nettime, syndicate), des initiatives d'innovation éditoriale on line (Sherwood Tribune, Agenzia di communicazione territoriale, Agencia en construcción
permanente, Hacktivist news service) ou encore de l'effervescence autour du logiciel libre, il se dégage une véritable richesse de pratiques, de contenus et d'analyses que nous voulons considérer comme un patrimoine commun et collectif.
Dans le même temps, force est de constater, que les rencontres qui ont eu lieu ici où là (HIP97 et Next Five Minutes à Amsterdam, ZPK dans diverses métropoles d'Europe centrale, Hack It à Florence et Milan), tout comme les circuits informels de contact et de coopération qui se sont peu à peu constituées, tout en jouant un rôle déterminant de circulation, reproduisent malgré tout des séparations géographiques et culturelles entre diverses zones du vieux continent, mais aussi entre diverses sensibilités. La richesse cognitive et l'intelligence collective qui se constituent autour de ces rencontres - comme prolongement de celles qui parcourent les réseaux - se trouvent ainsi d'une certaine façon bridées par les vieilles frontières des Etats-nations, alors même que s'ouvrent à nous les territoires infinis du cyberspace, alors même que l'Internet nous donne les moyens de nous constituer à l'échelle continentale et transnationale, alors même que les luttes et les mouvements se globalisent de plus en plus face à la puissance de l'Empire.
À l'heure justement où le Net en général, et le Web en particulier, sont en voie d'"amazonisation" rapide, soumis aux appétits croissants des prédateurs financiers, des entrepreneurs du spectacle et des oligarchies de l'information, l'enjeu de la construction de niveaux de coopération élargie entre les multitudes du contre-réseau devient déterminant. Nous croyons aujourd'hui possible et nécessaire de confronter nos expériences, mais surtout d'envisager la formalisation de niveaux effectifs d'initiative commune, d'échange de savoirs et de compétences, de débats et d'élaborations théoriques. En d'autres termes, conquérir les moyens d'être acteurs de notre communication, la capacité d'êtres producteurs libres de services d'information, de faire écho à la richesse des initiatives de la société civile contre le néo-libéralisme.
Pour cet ensemble de raisons, nous voulons provoquer en décembre 2000, à Paris, une rencontre européenne des contre-cultures digitales. Un espace-temps de convergences - au-delà des séparations nationales, subjectives ou de fait - qui suggère de nouvelles possibilités d'actions collectives entre les différentes âmes des cultures des réseaux. Nous voulons construire une zone autonome temporaire de coopération productive où puissent converger et se combiner les cultures de l'activisme et celle du hack, les pratiques de contre-information et le génie productif du logiciel libre, la créativité des acteurs des mouvements sociaux et celle des communautés des réseaux.

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