Livrets de compétences :
Dictionnaire Collectif de la Langue de Bois et des concepts opérationnels


à imprimer en version pdf: http://pythacli.chez-alice.fr/recent34/livrets-competences-01.pdf
pour lutter contre les livrets de compétences : sur ce site: ou bien directement sur celui de la LDH: http://www.ldh-ales.net/spip.php?article13

pour voir comment cette langue de bois est désormais incrustée à l'Education nationale et dans les livrets de compétences: http://pythacli.chez-alice.fr/recent34/livretscompetences02.htm

Voici quelques définitions du « Dictionnaire Collectif de la Langue de Bois et des concepts opérationnels », On peut le trouver en ligne ici: http://www.scoplepave.org/ledico/frame_dico.htm
un site animé entre autres par Franck Lepage, (Certaines de ces définitions ont été un peu raccourcies).

Compétence(s) 

Management / jugements psychologiques de la personne remplaçant "métier" et "qualification". Permet de détruire la mobilisation collective au profit de l'individualisation des carrières. Directement importées des techniques du management libéral, les « compétences » ont avantageusement remplacé « la qualification » et « le métier » dans le langage des formateurs et des employeurs, (notamment associatifs). Le patronat veut se débarrasser des « métiers » qui permettent de résister collectivement et de s' organiser syndicalement. Comme il faudra désormais en changer cinq à six fois dans une vie, ce sont les « compétences » à s' adapter, à se rendre « employable » qui serviront désormais à évaluer les travailleurs (pardon – les collaborateurs »). ...
On peut ainsi, à l' école et dans l' entreprise découper le comportement du travailleur en sous-compétences , telles que « manifester l' envie d' apprendre »,  « accepter des activités contraignantes », « savoir être autonome « , « faire preuve d' initiatives », « gérer son temps »  ... autant de critères qui relèvent de l' expérience personnelle et non d' une rationalisation des tâches. On y trouvera curieusement aucune compétence telle que « tenir tête à un maire », "contester son patron", "questionner le bien-fondé d'une décision" ....c' est la grande victoire du capitalisme qui est d' abord – on ne le dira jamais assez – une victoire sur les mots, n' en déplaise à ceux qui croient encore que les mots ne sont que des mots, et pas une manière d' agir !

EDUCATION TOUT AU LONG DE LA VIE

Derrière cette généreuse formulation, l' attaque coordonnée du patronat européen : la condamnation à se former jusqu' à ce que mort s' ensuive ! Pour se rendre « employable »  et faire disparaître la notion de « métier » (et toutes les mobilisations syndicales qui y étaient liées) il faut remplacer les « qualifications » établies une fois pour toutes, par des « compétences » changeantes. Vive l' entrée dans la « précarité » et « l' imprévisibilité », vive la « société du risque » chère au MEDEF qui n' en prend aucun. « La vie est précaire, l' amour est précaire, pourquoi le travail devrait il ne pas l' être ? (L. Parisot, Présidente du Medef).

Le concept « d' éducation tout au long de la vie » inventé par Jacques Delors, a été développé et diffusé par l' OCDE, boîte ultra libérale au service du patronat européen,  très éloignée des préoccupations gauchistes de promotion du peuple  Aujourd' hui, l' éducation et la formation tout au long de la vie absorbent la totalité de la formation et doivent à la fois mettre l' accent sur l' apprentissage qui va de l' enseignement préscolaire jusqu' à l' après-retraite, et couvrir toute forme d' éducation, qu' elle soit formelle, non formelle ou informelle...

Les exigences des employeurs se sont imposées en douceur grâce à ce petit mensonge de traduction : en Europe, les textes parlent bien d' apprentissage tout au long de la vie. ..

L'enseignement doit soutenir la compétition économique tout en se privatisant. Un dualisme des niveaux d'instruction doit s'installer puisque 65% des créations d' emplois en Europe dans les dix prochaines années seront des emplois non-qualifiés. A quoi bon former des philosophes ? l'éducation est un formidable marché qui représente en volume le double du marché automobile mondial, mille milliards de dollars scandaleusement laissé aux service publics et qui échappent à la spéculation privée. Si l' union européenne veut être « l' économie de la connaissance la plus compétitive », il faut démanteler les systèmes nationaux d' éducation, c' est sa priorité sous pression des grands groupes privés éducatifs. Il va falloir « apprendre à apprendre », c'est-à-dire apprendre chez soi, sur son temps de loisir non pris en charge par l' employeur, avec des logiciels éducatifs ! Vive la « société de la connaissance et de l' information », vivent les « NTIC ».

REFORME :
Formellement, une réforme pourrait être n'importe quel changement. Par exemple : plus de profs, ou le doublement du budget de la santé, ou une augmentation massive du SMIC, etc...voilà des réformes. Pourtant nous avons intégré que le mot réforme signifie un recul, une perte, une diminution, et seulement cela.
Une réforme ne va plus que dans un seul sens : MOINS.

Alain Bihr, dans son ouvrage intitulé "la novlangue néo libérale" explique que le langage politique utilise l'inversion de sens à tour de bras : en fait, réforme veut dire stagnation. "Changement" veut dire immobilisme et même recul...on est en plein dans Orwell quand le ministère de la guerre s'appelait le ministère de la paix. On sait désormais, intuitivement, que quand Sarkozy (ou un de ses clones socialistes) nous parle de réforme, il faut entendre contre-réforme.

ACTEUR(S):

Au sein de nombreuses entreprises et  administrations comme à l' Education Nationale, chacun est invité à être l'«acteur de son propre changement »,   portant sur ses épaules le poids d' une responsabilité étrange et difficile à assumer. Telle association d' animation propose à ses adhérents, à travers la fréquentation des activités de loisirs, de « devenir  acteur de leur propre vie »…! Etrange pléonasme.

Avec le triomphe de l' individualisme, et l' aide de quelques sociologues (comme Michel Crozier), la théorie du « jeu de l' acteur » propose de s' émanciper des déterminismes (de classe, de groupe, de travail, de famille, de communauté…) et de prendre conscience de sa propre marge de manœuvre. Cette proposition admirable qui en appelle au libre arbitre de chacun, n' a qu' un petit défaut : renvoyer le balancier un peu trop fort dans l' autre sens, à une période où la domination, pour se rendre discrète, aimerait que l' on en finisse avec la mobilisation collective, les luttes, les idées, les batailles politiques que l' on ne mène jamais seul.

A la différence d' un « agent », un « acteur » interprète et ne se contente pas d' obéir et d' appliquer. C' est pour cela qu' on parle d' un agent de police et d' un acteur de théâtre.  

Pour désigner les agents, dans le discours des politiques publiques, il n' est question que des « acteurs ».... En réalité, il n' y a que des agents. Il n' y a pas l' ombre d' un comportement d' acteur de leur part, et le premier « agent d' insertion » qui se prendrait pour un acteur et qui s' essaierait à discuter du bien fondé ou des contradictions des dispositifs d' insertion se verrait vertement rappelé à l' ordre !... Appeler les gens des « acteurs », c' est leur faire croire qu' ils ont une liberté quand ils n' en ont aucune. C' est les culpabiliser encore un peu plus. (Que les choses aillent si mal,  c' est de leur faute puisque ce sont les acteurs.) C' est faire en sorte que les gens se sentent individuellement responsables de la situation et qu' ils ne se posent plus jamais de questions politiques...

ÉGALITE DES CHANCES

Après avoir éliminé Robespierre, la réaction thermidorienne de 1795 met fin à la révolution et à l' idéal d' une société dans laquelle l'égalité serait réalisée. Mais comment consacrer le retour de l' inégalité, de l' argent, de l' aristocratie, de la fortune, de la propriété sans que le peuple ne reprenne les armes ? Comment abandonner l'égalité sans que cela ne se voie ? En l' appelant : « l' égalité des chances ».  L' égalité des chances est le mot qui veut dire « Inégalités». Tels le lapin et la tortue, nous sommes donc « égaux » sur la ligne de départ. Nous avons virtuellement les mêmes « chances »....
Comme tous ces mots à dépolitiser les rapports sociaux, « l' égalité des chances «  est une machine à nous faire croire que cette société offre à tous une égale opportunité et que nous sommes seuls responsables de notre situation. C' est le modèle Américain du « land of opportunity ». Il n' y a plus de patrons pour nous exploiter, seulement des individus qui ont voulu ou pas saisir leurs chances. … Le problème de l' égalité n' est pas de rentrer mais de sortir égaux, pas de  démarrer mais de finir égaux. C' est une toute autre tâche !


PROJET

... le coeur de la nouvelle culture capitaliste. Le "projet" apprend à travailler seul, à viser une production, c'est à dire à réaliser un produit...

En management, "projet" remplace "hiérarchie"... Avec l' envahissement de la culture du « projet » depuis une vingtaine d' années le capitalisme révèle le coeur de son idéologie ...

S' engager dans un « projet » c' est manifester son dynamisme, son esprit d' initiative, son adhésion à ce système compétitif et parcellisé…ce n' est pas critiquer, ni militer, ni douter. Le « projet humanitaire » remplace le combat politique. Il est évaluable immédiatement et remplaçable par un autre projet. Il annule le long terme et la nécessité de s' intégrer durablement à un collectif. Dans leur étude sur le « nouvel esprit du capitalisme », Eve Chiapello et Gérard Boltanski montrent que si le mot « hiérarchie », qui venait en tête des mots employés dans des ouvrages de management dans les années soixante, a complètement disparu des années quatre-vingt dix, en revanche, le hit parade contemporain du management de l' entreprise capitaliste (nombre de fois cité dans le même ouvrage) revient sans conteste à « PROJET ».
En engageant les jeunes dans des dynamiques multiples de projets, les travailleurs sociaux leur aprennent à morceler leurs désirs, leurs vies, leurs idéaux. On leur interdit de n' avoir qu' un projet qui durerait toute une vie : vocation, métier, marriage…et on les dresse à l' éphémère, à la mobilité, à l' employabilité d' eux-mêmes dans un monde présenté comme instable et qui n' a jamais été aussi stable : de la stabilité de la marchandise capitaliste pour toujours, pour tous et en tous lieux. Pratiquer une « pédagogie par projets » c' est enseigner l' adaptation au court terme, et la renonciation aux idéaux qui structurent une vie, une personne, un groupe social. Dans cette nouvelle exigence/oppression/aliénation, le perdant, l' exclu est celui qui n' est pas engageable dans un projet ou qui se montre incapable de changer de projet (celui qui se cramponne à un idéal). L' intérêt du projet est d' avoir un début et une fin (surtout une fin). Une fois celle-ci atteinte, on dissout l' équipe, sa subvention, la dynamique et on est prêt pour un tout autre nouveau projet, avec de nouvelles têtes et de nouveaux financements. .. La pédagogie par projet, la subvention au projet, est l' apprentissage du nouveau management, de la rotation accélérée des produits et des marchandises sociales, de la précarité et de l' incertitude acceptées par avance : soyons aventureux dans un monde instable que diable, et que les faibles perdent ! ...

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